« Je suis Consultant en stratégie digitale et Coach professionnel certifié. Je suis slasher. »
« Sla… quoi ? » ?
« Slasher ». Avez-vous déjà entendu ce terme ?
Encore un de ces nouveaux mots magiques me direz-vous ?
Peut-être … Mais n’y aurait-il pas aussi derrière ce mot un phénomène assez révélateur de l’évolution profonde du monde du travail que nous sommes en train de vivre ?
Aller, partons à la découverte ensemble 🙂
Slash / Slasher / Slasheur … Quézaco ?
Je suis sûr que vous connaissez le « slash » (un indice : clavier).
Et oui vous vous rappelez maintenant, c’est bien cette barre oblique « / » qu’on utilise pour séparer, mettre en parallèle des éléments.
« Slasher » (parfois francisé en « Slasheur ») est un terme qui a été introduit par Marci Alboher en 2007 dans son livre « One Person / Multiple Careers ». Il désigne ces travailleurs qui décident de porter plusieurs casquettes professionnelles, parfois par nécessité, mais de plus en plus souvent par choix pour s’épanouir pleinement dans leur travail.
4 ans plus tard, en 2011, un ancien responsable marketing chez Yahoo illustre et vulgarise ce phénomène :
Mon grand-père a fait le même travail toute sa vie, mon père a eu sept emplois différents tout au long de sa carrière et moi j’ai eu sept emplois en même temps.
Seth Godin
Être slasher c’est donc cumuler plusieurs jobs. Par exemple, ce jeune cadre qui travaille dans la finance la journée, mais est aussi entraîneur sportif trois soirs par semaine et DJ un samedi par mois.
Un terme relativement nouveau, mais un concept qui ne date pas d’hier …
Mais alors ne serait-ce qu’un nouveau phénomène de mode ?
Pas vraiment puisque la pluriactivité existe depuis bien longtemps, y compris depuis le Moyen-Âge :
L’une des formes de pluriactivité les plus répandues est l’association entre une activité artisanale et une activité agricole. Beaucoup d’artisans dijonnais du XIVe siècle sont aussi paysans. En 1355 Guillaume Li Maigniers place par exemple son fils Hugues en apprentissage de fripier. Mais le contrat précise bien que l’apprenti devra servir son maître sur ses vignes et ses champs , et pas seulement dans le métier de fripier.
Pfirsch, Thomas. « Artisans et pluriactivité. L’exemple de Dijon à la fin du Moyen Age », Histoire urbaine
Plus récemment, la révolution industrielle avec la fragmentation des tâches a sans doute favorisé la spécialisation des activités professionnelles.
Ce qui est peut être plus nouveau en revanche c’est de vouloir exercer plusieurs activités professionnelles dans le but premier de s’épanouir au travail et de retrouver un sens dans ce que l’on fait.
En effet, on peut être slasher par nécessité : multiplier les jobs pour réussir à boucler les fins de mois; ou bien par choix : parce qu’on pense que c’est ce qui nous correspond le plus et ce qui peut nous permettre un alignement plus fort dans notre vie professionnelle.
On n’a qu’une vie, alors vivons-en plusieurs !
Un phénomène révélateur du changement profond qui est en train de s’opérer dans le monde du travail ?
Le CDI est-il en passe de devenir hasbeen ? Le « métro-boulot-dodo » est-il en train de devenir la hantise de pas mal de jeunes ?
Une chose est sûre : le monde du travail est en pleine évolution et les attentes des nouvelles générations Y/Z n’ont rien à voir avec celles des générations précédentes. Interrogez un jeune de 16 ans aujourd’hui à propos de sa vision du travail et il vous parlera sans doute avant-tout de besoin de sens et de liberté. La sécurité financière n’est plus le seul besoin auquel doit répondre le travail.
Selon Denis Pennel, « le numérique a cassé la règle des trois unités propres au travail : temps, lieu, action ». Le travail n’est plus forcément de 9h à 18h, dans un bureau fixe avec les mêmes tâches et responsabilités.
La crise du Covid a pour beaucoup d’entre nous favorisé cette prise de conscience. Le télétravail « forcé » a permis de montrer que pour la majorité des travailleurs il est possible d’être aussi productif (voir plus) dans un autre endroit que dans son bureau ou open-space. Je ne suis personnellement pas favorable au 100% télétravail, mais je suis pour que ça devienne un droit du salarié, lorsque le poste le permet bien entendu. Et si certains managers ou dirigeants font encore de la résistance (souvent par manque de confiance), force est de constater que l’évolution est déjà en route. Le télétravail est un parfait exemple de la redéfinition des unités temps et lieu dans le cadre du travail.
Pour Marielle Barbe il y a aussi un quatrième pilier à ajouter à ce triptyque temps/lieu/action : celui du statut de l’emploi.
Un slasheur, grâce au numérique, à Internet, peut travailler pour plusieurs clients en même temps sans être obligé de devenir un « superchampion de la téléportation ». Il peut bosser quand cela lui chante, le jour, la nuit, le weekend. (…)
Pour Denis Pennel et Albert Meige, (…) la conjonction des réseaux sociaux et des nouvelles technlologies pourrait bien faire ressembler l’économie de demain… à celle d’avant-hier, avant la révolution industrielle : « Nous allons à nouveau être nos propres patrons, redevenir chacun propriétaire de nos outils de production – un ordinateur et une connexion Internet – et travailler chez nous, de la même manière que les artisans oeuvraient autrefois dans leurs ateliers. »
« Profession Slasheur : Cumuler les jobs, un métier d’avenir » – Marielle Barbe
Le slasher répond aussi à un besoin du monde professionnel actuel, de plus en plus complexe et changeant. Les personnes qui savent s’adapter et apporter leurs multiples compétences pour une problématique donnée sont de plus en plus recherchées.
Multipotentiels, ou pourquoi certains d’entre nous n’ont pas de vocation unique
Alors je vois déjà certains arriver : « oui bon OK, mais s’éparpiller autant c’est pas sérieux … » ?
Voilà une jolie croyance limitante ! 😉
En voici d’autres (des croyances limitantes) : « se tromper c’est un échec »; « après 40 ans il est trop tard pour reprendre des études »; « on ne peut pas être un bon papa et un bon dirigeant en même temps » …
Je vous propose quelques éléments de réflexion face à cette croyance :
Qui aurait pu reprocher à Léonard de Vinci de se disperser, de manquer de crédibilité en consacrant du temps à la peinture au détriment de son métier d’ingénieur ? Imaginez un instant qu’on lui ait demandé de choisir entre ses différents talents, comme on demande aujourd’hui aux étudiants de choisir entre les sciences, les lettres, les arts, etc.! De combien de merveilles, qui continuent à nous enchanter, aurions-nous dû nous passer !
« Profession Slasheur : Cumuler les jobs, un métier d’avenir » – Marielle Barbe
Je n’ai pas de talent spécial, je suis seulement passionnément curieux
Albert Einstein
Et enfin une formidable intervention d’Emilie Wapnick à propos des multipotentiels, ou pourquoi tout le monde n’a pas vocation à devenir « ultra-expert » d’un seul et unique domaine :
Et n’oublions pas que l’idée n’est pas de savoir s’il vaut mieux être « ultra-expert » ou multipotentiel / slasher. L’important est d’être aligné avec qui on est. Le monde a besoin d’ultra-experts dans leur domaine et aussi de profils aux compétences multiples.
Soyez vous-même, les autres sont déjà pris.
Oscar Wilde
J’espère que cet article vous aura permis de (re)découvrir et de mieux comprendre qui sont les slashers.
Une reco lecture si vous souhaitez aller plus loin : « Profession Slasheur : Cumuler les jobs, un métier d’avenir » – Marielle Barbe
Au plaisir d’échanger avec vous à ce sujet ! 🙂